Tu parlais de folklore: hier c'était le Mardi-gras, grand jour de carnaval dans ma bonne ville de Binche. Mais tout ce que j'en ai vu et supporté d'en voir à la télé, ce sont quelques minutes de ces sempiternelles images de gilles binchois emplumés (j'ai été l'un d'eux, et même leur président), dansant sous un ciel gris et le bienveillant regard du reporter de corvée, entouré de braillards saouls et beuglants. Et après ça au JT, pour faire bonne mesure (donner du rêve aux gens?), la minute traditionnelle du Carnaval de Rio. Paillettes, gros nichons et plumes dans le cul. Pas vraiment de quoi être fier des conquêtes de la civilisation et de la culture festive, ici comme là-bas...
Alors oui, parfois, je me verrais bien camionneur de l'impossible sur des routes désertes et enneigées jusqu'a la gueule, parfois j'envie celles et ceux qui vivent l'aventure au quotidien, aussi dramatique soit-il, peuplé de tornades, de vagues meurtrières qui inondent leurs terres, ou de grands fauves affamés qui viennent gratter leur porte.
Tout ici peut être si petit, si mesquin, si banal... En même temps, n'est-ce pas le propre de l'homme de banaliser le merveilleux, sinon avilir tout ce qu'il touche, ou au contraire de grandir artificiellement le quelconque?
Exemple du soir: à un magnifique reportage sur la renaissance de la célébrissime Notre-Dame de Paris, cathédrale iconique de l'ancien monde, succède, dans le même flux informatif indistinct, une plongée hypnotique vers le Nouveau monde, ses trafics minables en tout genre, ses villes-lupanars aux frontières et ses bordels en pleine jungle. Quelle bouillie de culture! Quelle soupe au sublime et au sordide!
Comment se délecter encore de ce perpétuel mélange de beau et de laid, de bonheur et d'horreur, de furie et de calme? Comment ne pas se demander si un bon coup de serpillière ne devrait pas balayer tout ça. Si le secret d'une vie simple et sereine n'est pas dans le savoir-vivre avec les autres, mais dans le savoir-survivre sans les autres...
Que disait Marc-Aurèle, encore? Voyons mes notes....
"Voir la réalité telle qu'elle est, aimer les hommes et se mettre au service de la communauté, accepter son destin." Les trois règles de vie de l'empereur philosophe Marc-Aurèle dans ses Pensées pour moi-même. Heureusement que la vraie intelligence est là, intemporelle, pour nous réconcilier de temps à autre avec le genre humain…
(Extrait d'un courrier personnel, probablement de circonstance en ce mercredi dit des Cendres. JD)