"Ma route de pierre": l'intégrale des 5 épisodes

Plus de 900 kilomètres et un mois sur mon vélo avec sa petite remorque, sur les routes de Wallonie, du Tournaisis aux Fagnes en passant par l'Ardenne, la Gaume, la Famenne, le Condroz, la Hesbaye, à la découverte des carrières d'aujourd'hui et d'antan, à la rencontre des derniers tailleurs de pierre wallons.

<http://storify.com/jackydegueldre/ma-route-de-pierre-juillet-2012 >

"MA ROUTE DE PIERRE" est comme les chemins de l'enfer, sans doute : pavée de bonnes intentions.
Des semaines à y penser, quelques jours pour la préparer, un mois pour l'accomplir. Et toujours pas de caméra à quelques jours de partir…
 

QUI PEUT ET VEUT M'AIDER?
"(…) mais moi qui n'écris pas un roman,  qui rapporte seulement un voyage,
comment me croira-t-on?"
 Raymond Dumay, Ma route de Bourgogne, Paris, La Table Ronde, 1948, 2010, p.151.


Début juillet, dans quelques jours à peine, je compte entreprendre en solo "Ma route de pierre", le tournage-reportage d'un documentaire de création, basé sur un périple à vélo (avec remorque) reliant d'ouest en est et du nord au sud tous les sites et bassins carriers de Wallonie, la région et le monde minéral de mes origines. 

Mon propos est d'aller à la rencontre des lieux et des gens qui habitent ce monde méconnu voire oublié de la pierre (30.000 travailleurs vers 1900, 7.000 au plus aujourd'hui, combien demain?). Des gens et des lieux qui en sont la mémoire, dormante ou bien vivante.
Un patrimoine mémoriel minéral et vital, une mémoire de pierre dont j'entends rassembler plus poétiquement que pédagogiquement les traces, en images, sons et témoignages, pour en faire "Pierre après pierre", documentaire vidéo et peut-être webdoc sur Internet.



DVD "La Pierre", prod. PAC2006 

Une sorte de mille-feuilles en tout cas, où les pages de mon 'road doc" alterneront, telles des lames de marbre sur le chantier, avec les morceaux choisis de "La Pierre", magnifique film muet en noir et blanc réalisé en 1934 par mon grand-oncle Robert Ducarme, philosophe et fils de carrier (à l'instar de Socrate, qui fut d'abord tailleur de pierre), mais aussi peintre et écrivain, trop tôt mort à la guerre pour terminer son oeuvre.

La raison de mon message est donc double: vous inviter à témoigner vous aussi si le coeur vous en dit, en prenant date pour ce faire. Mais aussi vous demander si vous pouvez, mieux que documenter mon périple - j'ai déjà parcouru en tous sens le terrain en question durant mes six décennies d'existence - m'ouvrir l'une ou l'autre porte accueillante pour m'assurer des relais sur le terrain, le gîte au moins à défaut du couvert. (Faut-il préciser que je n'ai AUCUNE subvention pour ce projet?)

Si vous le pouvez et répondez positivement à mon appel, tant mieux, ce me sera réellement très utile. Sinon, tant pis, ou tant mieux aussi, puisque cela ne fera qu'ajouter un peu plus d'imprévu à l'aventure, qui n'est pas encore épopée...

En tous les cas, merci d'avoir consacré un peu de votre temps à lire, si je puis dire, cette pierre dans votre jardin...

Cordialement, Happy Jacky.

Pour tout complément d'information sur le projet Ma route de pierre: +32 475 26 85 15

PS Avoir votre numéro de téléphone et/ou de GSM me serait bien utile pour la suite…



"Mon expédition, soigneusement préparée - sacoches pleines d'adresses, de livres, de cartes -, n'était pas sans présenter quelques inconnues, voire même quelques mystères qui me trottèrent dans la tête tant que le soleil ne fut pas trop chaud." (Raymond Dumay, 2010, p.13)


Une heure et demie! Pour à peine un kilomètre. Il m'a fallu une heure et demie, mercredi soir, pour parcourir le premier kilomètre de mon périple sur un attelage quasiment inconduisible, tant il guidonnait sous la charge… Renoncer à renoncer. Le temps de trouver un équilibre, bien précaire, avant de me risquer à rouler sur trente kilomètres le long du canal de Bruxelles à Ronquières. Sous ma tente et sous l'orage, j'y ai compté les moutons dans le pré: la fermière avait raison, ils étaient six. Comme six heures à attendre que la pluie cesse… C'était la première nuit de mon périple cycliste en Wallonie. Je ne vais pas vous les raconter toutes, d'autant que j'en prévois une trentaine. Disons que les trois premières ont été d'une enrichissante diversité.

Les dieux ayant veillé sur moi jusqu'à Soignies, c'est finalement au doyenné que j'ai abouti le deuxième soir. Et plus précisément, grâce soit rendue à un doyen bien accueillant qui m'a même servi un bol de café le matin, dans le "local de la Bonne Espérance". Où m'attendaient de peu confortables tables. Mais quand on voit le sort de certains, suivez mon regard, il ne faut pas se plaindre...

Remorques rouges:
à chacun selon sa taille et ses moyens...


Mon beau vélo et sa petite remorque rouge n'ont pas été à la fête non plus sur "La route de la pierre bleue" après Soignies; Pour échapper aux gros camions écraseurs de petits cyclos, ils ont tenté de se cacher, de se planquer sur quelques pistes pas très cyclables avant de se réfugier sur les chemins de halage défoncés du canal Blaton-Péruwelz-Antoing. Et c'est là que la route est devenue calvaire: sept heures à pédaler, à ahaner, entre cagnard et temps de canard...
Heureusement, c'est une troisième nuit de rêve qui m'attendait près de Tournai. Superbe résidence, pour ne pas dire véritable manoir, hôtes charmants, décors exquis, vins et draps fins, c'est l'art de vivre ancien des maîtres des carrières que j'ai trouvé ici. Grand merci...
Quant à l'art de tailler la pierre, la pierre bleue de jadis, c'est à Maffle près d'Ath qu'il m'a fallu le chercher, autour de son Musée. Deux vieilles et grandes carrières noyées d'eau et de végétation y font un écrin vert pour notre imaginaire. Car si j'en ai rapporté de belles images, il faudra bien oublier les quelques plans que j'ai ratés pour avoir cru les tourner. La caméra, elle, ne tournait que quand elle le sentait. Un peu comme mon téléphone, dont un contrôle vocal intempestif avait décidé de me faire perdre le mien! Impossible soudain de prendre une seule image ou de répondre aux messages.
A cause de moi ou de l'orage, ô rage!
Quand j'aurai compris l'art de maîtriser ce matériel de tournage comme je l'ai fait de mon attelage, ployant ici sous le fardeau, peut-être m'aventurerai-je à en publier un début de montage. En attendant, voici les deux dernières pages de mon livre d'images: à gauche la carte pliée de la route à tailler, à droite le "paillasson" sous lequel la "masse d'amor" du tailleur pliait la pierre à sa volonté… (JD)

_______________________________
Jul16Ma route de pierre (2): plein la remorque!

Deuxième semaine, déjà, pour Ma Route de Pierre, qui m'a emmené vers l'ouest et la Picardie wallonne avant de me ramener vers le centre du Hainaut et ses carrières de pierre bleue ou de marbre. A Maffle, ma petite caméra m'a joué des tours et m'a privé d'une belle interview du tailleur de pierre Roger Godfrain, 80 ans et plus qu'alerte: pour me le prouver, il a entamé une gigue endiablée en plein musée. Mais j'étais surtout fasciné par ses mains, sculptées par la vie et le travail de la pierre. "Pour le tailleur de pierre, dit-il, c'est la main gauche qui est la plus importante. C'est la droite qui frappe, mais c'est la gauche qui guide l'outil". Il faudra que j'y retourne, en août peut-être, ainsi qu'à Lessines, pour la Fête des Cayoteus…

Pour descendre dans la Botte du Hainaut, véritablement truffée, autour de Philippeville, Rance et Chimay, d'au moins une centaine de carrières généralement désaffectées aujourd'hui, je passerai par Ghlin (Mons), avec une journée de repos bienvenue chez ma soeur - et un don de sang à la Croix-Rouge montoise au passage, rien de tel pour se refaire quelques globules - puis Waudrez et Binche, l'occasion de passer saluer quelques-uns des miens qui dorment sous le granit.
C'est à Binche, au moment du départ, en plein milieu de la route, et sous les yeux de ma mère en plus, que ma remorque choisit de me lâcher une première fois. Beaucoup de poids, sans doute, sur ce monocycle à l'équilibre instable, mais c'est surtout l'axe de serrage rapide de ma roue arrière qui s'avère beaucoup trop fragile pour les torsions imprimées à l'attelage.
Résultat: les attaches de remorquage ne tiennent plus sur l'axe et la remorque peut se détacher à tout moment. L'objectif est désormais d'atteindre ma prochaine étape, Leers-et-Fosteau en Thudinie, où habite Marcel le mécanicien, vieil ami de mon père. Lui devrait pouvoir me dépanner. Mais y arriverai-je? Et le relief qui commence à s'accentuer...
J'y suis arrivé. Marcel a réparé. Mais la réparation, pourtant bien faite, ne résistera pas aux secousses. Le lendemain, sur la piste de l'itinéraire Ravel vers Rance et Chimay, à Solre-Saint-Géry, le ciel me tombe sur la tête en même temps que mon attelage s'écroule sur le béton. Heureusement, tombé du ciel aussi, c'est "Bronson" en personne, personnage fort en gueule mais surtout fort serviable, qui me sauve la mise.
Me voilà embarqué avec vélo et bagages dans son break, qui m'amène 15 km plus loin, à Rance où j'ai rendez-vous avec Philippe Albessart, du Musée du Marbre. Les événements s'enchaînent: passage au garage pour la remorque, visite à l'Office du tourisme pour un hébergement (ils n'en ont pas), visite guidée du village marbrier et de l'ancienne carrière Fosset, nouvel orage qui s'abat à ce moment-là. Quant à l'hébergement, ce sera… dans une grange en pierre! 
Le lendemain matin, je profite du petit séjour de mon attelage dans un garage local - une réparation qui grèvera mon maigre budget de 40 euros, mais c'est le prix de la sérénité - pour faire le plein d'images et de commentaires avec mon cicerone de la veille. 
Ensuite, direction Couvin, plus précisément le hameau des Géronsarts à Boussu-en-Fagne, chez une amie, Véronique, d'où je pourrai rayonner dans cette région truffée de carrières de marbre. Beauchateau est sans aucun doute la plus impressionnante avec ses hautes parois de marbre rouge. Mais c'est certainement la découverte de la vieille carrière de Pesche en compagnie de Christophe Mahy, jeune tailleur de pierre totalement habité par son métier, qui me laissera le meilleur souvenir.
Il me reste à présent  à rejoindre la vallée de la Meuse à partir de Mariembourg. Encore un "Ravel", qui file tout droit sur Heer-Agimont puis Hastière et passe en face des rochers de Freyr où j'ai maintes fois grimpé. C'est qu'à Dinant m'attend, le long d'un quai de pierre, la péniche Ange-Gabriel où une cabine m'est promise. Mais ce qui m'attend surtout, en ce second dimanche de mon périple, ce sont les 4,2 km de côte pour s'extraire de la vallée de la Meuse depuis le Rocher Bayard. Sans oublier les quelques ondées diluviennes sans lesquelles juillet ne serait pas juillet… (JD)






Mardi 17. En avant pour une troisième semaine de route, après un repos bienvenu d'une journée à Conneux, entité de Ciney, joli village pierreux gris-bleu où m'accueille amicalement Pascale dans sa petite maison jaune. Chevetogne et Rochefort, où la roche, schisteuse, est tout sauf forte, ne sont guère éloignés. Sur la carte. Sur la route où les côtes et les jolies descentes se succèdent, autant que les camps scouts qui la jalonnent, c'est autre chose. Un dernier regard dans le miroir avant le départ…

Mon but du jour, ce sont les carrières de Wellin et/ou Tellin, non loin de la Vallée de la Lesse et de l'autoroute des Ardennes qui l'enjambe. Mais pour cela, il faut d'abord effacer la butte de Mont-Gauthier et la longue côte au sortir de Chevetogne, aller chercher la Lesse à Rochefort, trouver le départ du magnifique itinéraire Ravel qui file presque tout droit vers Lavaux-Ste-Anne sinon Beauraing, plus loin (ne pas se laisser distraire par l'amène cycliste de 80 ans qui vous entraîne dans sa direction en vous recommandant de voir Ciergnon!). Et enfin sortir vainqueur de la dépression de la Famenne qui, quand il fait beau, n'a rien de déprimant. Fatigant, plutôt.
Bref, quand j'aborde Wellin il est tard et je me trouve devant un dilemme: gauche ou droite?

Ayant moi-même atteint mes limites du jour, je renonce sans mal à la pénible rampe entrevue à gauche et je choisis le Fond des Vaulx, un toponyme qui sonne plus authentique et a l'avantage d'être au fond. Bien vu! Mais la carrière -énorme- étant déjà fermée, j'y reviendrai demain. En attendant, chouette surprise de la route, c'est un patro flamand, plus de cent petites et jeunes filles de Zwevegem (Courtrai), qui va m'accueillir pour la nuit sur la prairie de son campement à l'entrée de Wellin, au pied d'une belle bâtisse de pierre. Et même, en prime du gîte, m'offrir le couvert, partagé avec toute la sympathique équipe des intendants (ils disent "fourriers") du camp.
Merci à la charmante Fleur, chef de camp, à ses braves parents et aux cuistot(e)s qui font de si jolis desserts…

Le lendemain, mercredi 18, grâce à l'amabilité de l'équipe de garde de CFV et du "Capitaine Crochet" - qui se reconnaîtra dans ce surnom! - je passerai près de deux heures à explorer et filmer en tout sens et en toute quiétude la longiligne carrière du Fond des Vaulx, où la pierre calcaire est vouée au concassage, sort moins glorieux mais tout aussi utile que la pierre de taille.
Et puis, au hasard d'une strate ou d'une veine, on peut toujours y trouver un beau fossile, voire un petit joyau comme cette précieuse incrustation d'un beau mauve… Dommage que je ne puisse pas m'éterniser.

…De Wellin à Tellin, dit comme ça c'est pas loin, mais ça grimpe bien dans le coin. Halma, Resteigne, Chanly, vieux souvenirs d'enfance et de camps Estu dans la région, à une époque où je ne réalisais pas qu'ici aussi, bien sûr, puisqu'il y avait de la pierre partout il y avait des carrières. Aujourd'hui d'autres carrières m'attendent, de schiste et donc d'ardoise, du côté d'Herbeumont et Bertrix.
Mais il me faudra d'abord franchir les bien nommées Barrières de Transinne et Libin, les petits "juges de paix" de nos Ardennes cyclistes. A Chanly j'attaque une interminable grimpette de, grand dieu est-ce possible, dix ou douze kilomètres?, vers le col de Transinne, bientôt rejoint par une meute de coureurs cyclistes à l'accent guttural, tous emmaillotés de vert. Une cinquantaine de Danois lancés comme moi dans un Tour des Vallons wallons. Certains m'encouragent au passage. Séquence émotion et gloriole quand je franchis enfin la Barrière de Transinne, accompagné par les applaudissements des Danois qui s'y sont arrêtés et me font une haie d'honneur: Comme dans la montée de l'Alpe d'Huez, dis donc! Mais inutile de chercher la photo, je n'en ai pas, et pour cause…
 

Trop occupé à pédaler, pour avancer, sortir de la vallée de la Lesse et rejoindre l'étape, qui ne sera pas encore Bertrix, trop éloigné vu l'heure, mais Paliseul, où mieux vaut ne pas arriver seul… Pas vraiment accueillant, ce gros bourg de passage sur la route des contrées bien plus touristiques de la Semois au sud. Des fermiers plutôt méfiants à l'égard des étrangers, paraît-il, un syndicat d'initiative qui visiblement n'en prend pas, bref ça ne respire pas l'hospitalité ardennaise. Heureusement, sur mon chemin il y a le jeune Maxime, mécanicien et futur pompier volontaire, sorti sur le pas de sa porte avec son gamin, comme un fait exprès. Maxime qui devine mon problème et sans hésiter me passe les clés de la maisonnette rénovée qu'il n'occupe plus et qui sera ma chambre pour une nuit. Ah si tout le monde était comme lui, ce serait si simple. Salut Maxime et grand merci, on se reverra encore !




Autre jeune sympa,Thibaut, qui m'accueille le lendemain après-midi au Coeur de l'Ardoise. Grâce à lui, je vais pouvoir me faire le plaisir de filmer longuement sous terre les fameuses ardoisières de Bertrix - un gisement schisteux qui, dit-on, s'étend jusqu'à Martelange.
C'est aussi Thibaut qui me donne ensuite un bon tuyau pour ma route: pour rejoindre plus facilement Herbeumont sur la Semois, je n'aurai qu'à prendre le "pré-Ravel" qui passe sur le viaduc tout proche. Très joliment baptisé "La voie des pierres qui parlent"… Quelques légers détails toutefois ont été tus par lesdites pierres qui parlent: non seulement la voie comprend de très surprenants tronçons pavés en plein sous-bois, mais une partie de l'itinéraire est en fait le chemin privé d'un chantier à l'abandon, barré de troncs morts et livré à la gadoue. Et quand on se sort de ce parcours d'obstacle forestier, ce qui avec mon attelage relève de l'exploit olympique, c'est pour se retrouver devant l'entrée toute noire d'un tunnel en courbe dont on ne voit pas la fin, trois ou quatre cent mètres plus loin…  



L'arrivée à l'auberge du Randonneur à Herbeumont fait donc figure de véritable délivrance. Surtout quand l'aimable aubergiste, fille de la Gaume toute proche, m'explique qu'à quelques kilomètres plus au sud vit un vrai vieux tailleur de pierre intarissable sur sa passion. Et me voilà reparti pour Fontenoille, sous Sainte-Cécile, tout près de Florenville. Après une nuit passée à même le sol de son petit atelier, au milieu d'une forêt de marteaux et massettes, je vais avoir la chance et le plaisir de partager une demi-journée d'Alfred Lejeune, alerte octogénaire qui oeuvre depuis ses treize ans dans la pierre, comme son père. Tout en s'occupant de son grand fils handicapé et de mille autres choses, il trouvera le temps de me présenter son remarquable musée personnel et d'aller me montrer les deux carrières où il continue à travailler la pierre.Un homme infatigable! 

  



Fatigué moi je le suis. Mais, en ce vendredi 20, il me faut encore rejoindre Martué, au-delà de Chassepierre où se trouve une des carrières d'Alfred. Car là-bas, au creux d'un méandre encaissé de la Semois, se situe le "lodge" de la Base Aventure XCape où je vais passer ma prochaine nuit, seul au milieu des bois comme le fit l'écrivain Henry Thoreau jadis.
Mais aujourd'hui, pour le chef-instructeur Jean-Claude, c'est moi, "l'aventurier qui fait le tour de Wallonie avec moins de dix euros par jour". Un vrai compliment dans la bouche de ce gars-là.
...Alfred m'a recommandé d'aller jusqu'à Orval la belle abbaye en pierre de Gaume. Je connais mais j'ai promis, j'irai, ce samedi 21, jour de fête, et de "drache" nationale bien sûr. J'irai même jusqu'à y prendre un verre de la délicieuse trappiste. Et puis, tiens, du coup, j'irai même jusqu'à Meix-devant-Virton, après m'être trompé de route. Et avant que l'aimable Jacques Roussel, boucher retraité, ne sorte sa bicyclette de la boucherie pour me faire un bout de chemin jusqu'au chantier du sculpteur de pierre Fernand Tomasi, que je ne pourrai rencontrer.
Revenir demain? Oui, certes, Monsieur Roussel, mais il faudrait d'abord que j'atteigne Etalle où j'ai décidé de m'étaler pour la nuit, sur un matelas de pétales, du moins l'ai-je rimé ainsi.
Cette fois encore celui qui m'offrira le gîte c'est un autre jeune sympa, Christopher, le cuistot de l'Auberge d'Estalle où je me suis arrêté pour manger. Et devinez quoi: le drap du lit de la chambre d'ami est de soie rouge, comme un pétale de rose!

Tant de chance doit se payer un jour. Heureusement que j'ai bien dormi cette nuit-là, tout comme la chouette qui ronfle si bruyamment dans le clocher voisin - ce n'est pas une blague: probablement que les cloches qui sonnent à tout moment, et à toute volée en ce dimanche matin, l'empêchent de dormir le jour.
Oui, heureusement que je repars bien reposé d'Etalle vers Habay et sa route nationale avec piste cyclable (non sans un petit détour préalable par le musée lapidaire de Montauban à 6 km), parce que le plus dur m'attend.
Pour arriver chez mon pote Olivier à Martelange (au pied des ardoisières), c'était l'affaire d'une heure ou deux croyais-je. Ce sera au moins le double. D'abord il faut grimper quelques fort belles côtes. Et quand on parvient sur le pont surplombant la Nationale 4, altitude 475 mètres, c'est pour s'apercevoir que rien n'est prévu par là pour les cyclos allant sur Martelange (qui n'est plus qu'à six kilomètres). Conséquence: demi-tour vers Heinstert à 3 km ; ensuite à droite vers Vlessart à travers la vaste forêt d'Anlier et la vallée cabossée de la Rulles (avec une rampe interminable), et puis au grand carrefour de la forêt, à droite encore vers Martelange qui se fait désirer. Et c'est parti pour des kilomètres de montagnes russes à travers bois, conclus par une vertigineuse descente sur le village de Martelange côté belge. A l'entrée duquel un radar pointe mon attelage en folie à 48 km/h, avant que je ne déboule dans une rue en travaux complètement défoncée. C'était trop. Même mon short indestructible a définitivement craqué! ^^J



Ma route de pierre (4): orages, moments de grâce et erreurs de parcours



Nous nous étions quittés sur ma route de pierre à Martelange, bourgade belgo-luxembourgeoise où les nombreux supermarchés et stations-service que nous connaissons tous dissimulent mal, ce que nous savons moins, d'anciennes ardoisières.
 Le redémarrage, mardi 24 juillet, a commencé comme un gag. Mon hôte Olivier tenait à m'accompagner à vélo sur quelques kilomètres. Problème: une fuite mal réparée à sa roue arrière. Qu'à cela ne tienne, je passe pas loin d'une petite heure à repérer et retirer du pneu une minuscule brindille d'acier qui piquetait insidieusement la chambre à air. Une bonne rustine là-dessus et en route. C'était sans compter sur le zèle d'Olivier à regonfler son vélo à la station-service la plus proche, soit cinquante mètres en bas de chez lui. Mais 4 kilos de pression, quand il fait chaud, c'est un peu beaucoup pour un pneu déjà fragilisé. Bang! 
… C'est donc seul que, un peu plus tard, j'ai franchi le bas de la vallée de la Sûre pour remonter vers celle de l'Ourthe, direction Ortho et plus précisément Warempage.
Là où ma fille Alix, Pajero Tequila Sunrise ou "Paj" pour ses intimes guides et scouts, m'attendait au camp des guides de la Compagnie St-Bernard de Basse-Wavre, dont elle est une des chefs.

Il faut croire que j'ai dû beaucoup pédaler ce jour-là, contournant stratégiquement Bastogne dans ma propre bataille des Ardennes, faisant ensuite le détour à Bertogne pour aller voir la "pierre druidique" de Berthomont, ou me sortant de la vallée de l'Ourthe, à quelques méandres de La Roche, par la sinueuse côte d'Herlinval, joli village-fantôme où à sept heures du soir les habitants, méfiants, se gardent bien de se montrer au martien qui débarque… En tout cas, la vie de camp a du bon pour le repos du cycliste puisque "Papajero" (mon totem improvisé par les guides) y a passé deux nuits en mode survie!

Le retour à la réalité pédalée allait donc être d'autant plus rude le jeudi 26. La Roche et son éperon rocheux fortifié, Hotton et sa carrière abandonnée le long de la grand-route, Erezée et son promontoire haut perché où devrait se trouver une auberge de jeunesse qui a fait place à un centre d'accueil pour demandeurs d'asile: il n'y paraît pas, mais ça en fait des côtes et des coups de pédale pour débouler éreinté à 9 heures du soir à Briscol - là même où fut stoppée, dit une pierre, l'Offensive des Ardennes  en '44 -, dans la cour de Benoît et Marie, gentil couple de jeunes forestiers ardennais médusés par mon apparition. Un peu méfiants aussi ("avec tout ce qu'on voit dans les journaux": il y en aurait à dire sur la responsabilité de la presse dans l'évolution des mentalités rurales, sinon du sens ardennais de l'hospitalité…), ces braves jeunes gens vont quand même m'assurer gentiment le repas du soir, mangé sous la lune: conserves de poisson et macédoine de fruits en boîte, un régal!
Vendredi 27 juillet, encore un gros coup de rein à donner, via la longue côte de Manhay entre autres, pour se rapprocher des Fagnes et me rendre à Grand-Halleux, chez Sylva Hanuise (51), sculpteur sur granit, établi ici depuis quelques années mais d'origine sonégienne (son père Marius et ma mère sont tous deux du Pays des carrières et d'anciennes connaissances). La pluie d'orage diluvienne, dont il vient opportunément me sauver avec sa camionnette à Basse-Bodeux, s'évanouit par enchantement, à notre arrivée chez lui, pour n'être plus que flaque ensoleillée reposant dans ces vasques larmées de fin granit dont il a orné çà et là son jardin. Serais-je arrivé chez le Magicien de la pierre d'eau? Son extraordinaire technique de sculpture par lent polissage n'a d'égale que sa maîtrise évidente des formes fluides. Ici enfin, je vois se dessiner sous mes yeux éblouis la parfaite synthèse de la pierre et de l'eau, l'une et l'autre contenant la présence de la vie. Un moment de grâce, certainement, que mon séjour dans l'antre charmant de Sylva et Cécile, douce thérapeute.
"As-tu déjà travaillé la pierre?", me demande finement Sylva le mage. "Non, pas vraiment, bien que mon enfance s'en souvienne." - "Fais-le et tu verras que tu la regarderas encore autrement"…

Samedi 28. Je l'ignore encore à midi, au moment de quitter Sylva et sa famille, mais une belle journée de galère m'attend. Au-dessus de la vallée de la Salm avant Trois-Ponts, le ciel est sombre et nuageux, l'atmosphère lourde de brume. Passe une première pluie d'orage au moment où j'atteins Trois-Ponts. Un abri, un journal, petit verre et un peu de patience vont arranger ça. On m'a prévenu que la côte de La Gleize serait rude. Je fanfaronne quand je m'aperçois que je m'en tire sans trop de peine: voilà qui vaut bien une frisée aux lardons et un café liégeois à l'auberge du Vert pommier, en haut du village. Oui mais. Plus loin il y a encore Stoumont et son dilemme: à gauche en descente ou à droite en côte vers La Reid? C'est le moment que choisit une des sécurités de mon attache-remorque pour lâcher. Je répare, heureux de ne pas m'être lancé inconsidérément dans une dangereuse descente. Ce sera donc la route de La Reid… Longue et énorme côte en lacets, qui donne au plus gros orage qu'ait connu récemment la région l'occasion de me tomber dessus au sommet, en pleine fagne de La Reid. Je m'en tire comme je peux, mais vite, en pédalant trempé dans une descente détrempée dont je distingue à peine le relief asphalté à travers mes lunettes embuées… Moi qui pensais éviter Stavelot, les 24 Heures de Francorchamps et les Fagnes, me voilà en plein dedans, pris dans le piège vert! Ouf, quelques kilomètres plus bas, c'est le village de Dénié(entité de Thieux (?) et son café chaud providentiel. Je dégouline de partout, mes chaussures sont explosées par l'eau. Et j'apprends que je ne suis pas, mais pas du tout, sur la route que je croyais suivre. Sougné-Remouchamps est encore loin, Aywaille encore plus loin. Et quand enfin j'atteins Aywaille via un joli Ravel le long de l'Amblève, c'est pour découvrir que, primo, l'orage m'a encore rattrapé (nouvelle séance de douche) et que, secundo, Aywaille la touristique, la ville des Aqualiens, littéralement les "gens de l'eau" (sic) n'est absolument pas un endroit où espérer trouver le moindre gîte d'étape.

A 20h30, la mort dans l'âme après avoir tourné pendant un heure dans le secteur, je me résous à attaquer la terrible pente qui va me conduire vers Sprimont… Où vais-je dormir ce soir et que va-t-il encore m'arriver? Hormis une petite chute sans gravité, au pied bien glissant d'une ancienne carrière transformée en dépôt de carburant, à la sortie d'Aywaille? 
La suite de l'aventure dans le cinquième épisode à venir de Ma Route de pierre.
 A la semaine prochaine, en Pays de Liège… ^^J 


Ma route de pierre (5): donjons, drames et mystères



Où donc vais-je trouver à dormir à cette heure-ci ?, me demandais-je au soir du samedi 28, sur  le coup bien sonné de 21 heures, en escaladant cette nouvelle et longue côte censée me rapprocher de Sprimont. A Sprimont peut-être? A Florzé-Sprimont alors. Car un panneau à mi-pente venait de m'apporter la réponse. "Château de Florzé". Mariages, réceptions… allons-y, me dis-je, il y aura sûrement de la place.

De la place, il y en avait en tout cas, dans ce grand et beau château-ferme en pierre du pays, pour la ribambelle de louveteaux de la 4e meute Waigunga du Chant d'oiseau (des Bruxellois!) qui en occupaient toute une aile. Leurs chef(fe)s et intendant(e)s m'ont gentiment accueilli et m'ont mis en contact avec le propriétaire des lieux, qui venait de les quitter. Plus tard, ils allaient même m'offrir à boire et me fristouiller des loempias, dis donc! La vraie hospitalité selon la loi scoute.

Avec le châtelain, occupant ce qui fut jadis la demeure des Comtes de Berlaymont, maîtres des carrières voisines, ce fut à vrai dire un peu plus délicat au départ. D'abord circonspect, s'agissant de me donner accès à l'autre aile du corps de ferme transformé en salon de réception, il me laissa quand même m'y installer pour la nuit, sur les grands cartons pliés qui  traînaient sur le sol. Sans lumière, mais au moins ici je serais au sec et mes vêtements aussi. Et l'évier du bar m'assurerait l'eau courante pour la toilette matinale! L'autoportrait réalisé au réveil atteste combien cette réjouissante pensée m'a aidé à passer une nuit moralement confortable…

Le dimanche matin fut heureusement d'un tout autre style, le propriétaire des lieux et Madame me conviant à partager leur petit-déjeuner ensoleillé, avec vue imprenable depuis une longue baie vitrée sur les somptueux panoramas du Condroz vers Nandrin et au-delà. Abondamment pourvu par les mêmes de photos anciennes des carrières de Florzé, lieu d'un tragique éboulement qui fit une dizaine de morts en 1954, il ne me restait plus qu'à aller à la découverte de celles-ci. Non sans participer au passage au barbecue organisé par la troupe scoute pour son départ…
J'en étais donc encore à l'esprit aventureux de l'éclaireur furtif en pénétrant, un peu plus tard et malgré l'interdit, sur ce que je pensais n'être qu'un site carrier ancien envahi par la végétation. Et là soudain, surprise, en contrebas, Black Hawk down! Sous mes yeux écarquillés, la carlingue kaki d'un hélicoptère de combat, suspendue à mi-hauteur entre les parois, à des cordages tout ce qu'il y a de plus militaires. Un camp d'entraînement discret?
 
J'ai bien vérifié en remontant à l'entrée, proche de la stèle commémorant la catastrophe de '54: aucune mention d'un quelconque "domaine militaire" réservé, à peine un panonceau évoquant la Région wallonne et l'interdiction de déposer des détritus. Ainsi les vieilles carrières de chez nous ont-elles aussi leur part de drame, de secret et de mystère…
Je n'avais que trop traîné par là. Plus loin m'attendaient encore Sprimont l'incontournable, sa côte redoutable, les murailles colossales de ses carrières et son imposant tailleur de pierre, d'une dimension quasiment mythologique.
Plus loin sur ma route, il y avait maintenant, après celle de l'Amblève, la vallée de l'Ourthe à rejoindre. Et Liège à traverser par les quais de la Meuse, via Chênée et Bressoux - le temps de m'y voir offrir, à la terrasse du populaire café Wolf, treize cents euros et plus pour mon attelage, de la part d'un sympathique fanfaron local, se croyant prêt à affronter le tour de Calabre en semblable équipage, avec son chien dans la remorque. "Mon vélo c'est mon compagnon de route, Monsieur, on ne se sépare pas de son compagnon de route. - Je vous comprends, Monsieur!"  
… Je ne parlerai guère, en revanche, de la médiocrité de mon accueil à la Médiacité en ce même dimanche par la responsable de la permanence RTBF. "Vous interviewer? Désolée, je n'ai personne de disponible, toutes nos équipes sont sur les inondations et les coulées de boue à Seraing, revenez lundi…" Evidemment, Madame, un journaliste seul sous le même orage, perdu là-haut à La Reid, c'est moins vendeur…

Au-delà de Liège c'est Visé que je visais. Et qui fut atteint, après moult arrêts photo des rochers de la Basse-Meuse, aux environs de 20 heures, juste assez tôt pour me laisser persuader par un passant de grimper au centre sportif tout en haut de la ville, à la recherche d'un hébergement pour la nuit. En vain, sinon pour y apprendre de source sûre cette fois, Monsieur Léon, qu'un gîte accueillant m'attendait… tout en bas, "Devant le pont", sur l'autre rive de la Meuse. Et c'est ainsi que je me posai, fourbu mais ravi, sur le coup de 21 heures, "Au Quai" des oies, à l'enseigne de même, chez Claire et Christian, grands randonneurs eux-mêmes, sachant à merveille comment recevoir avec égard le pèlerin, fût-il ou non de Compostelle… Ce soir-là, ça valait bien de déroger un peu à mon principe des 10 euros maximum par jour, d'autant que le lendemain…
Le lendemain, lundi 30 juillet,  c'est sous un ciel d'abord lourd de menaces que se fit mon départ, très tardif une fois de plus, vers le bout du bout de ce recoin méconnu de Belgique, à deux pas de Maastricht. Les carrières de Lixhe, la haute tranchée de Lanaye ou Lanaken, Eben-Emael premier fort de la Meuse sur le Canal Albert. Intimement mariée à l'eau, la pierre encore, ici tendre et jaune, siliceuse voire gréseuse, là armée de la dureté du silex sédimenté dans l'argile ou la craie par le poids des océans d'antan…
Sur la hauteur, dominant la petite vallée du Geer, du quiet village d'Eben-Emael, j'avais un rendez-vous, pris de longue date dans ma tête, avec le souvenir du tailleur de pierre philosophale Robert Garcet, rencontré ici naguère quand j'étais venu pour la première fois admirer son incroyable donjon de silex. La Tour carrée d'Eben-Ezer. Dix mètres de côté au bas mot. Des milliers de nodules de silex empilés sur sept étages, eux-mêmes surmontés aux angles d'une sphinge et de trois autres impressionnantes créatures ailées adressant un message de paix - et non de menace, y assure-t-on - aux quatre coins de l'horizon. Qui n'a pas vu la tour de pierre du pacifiste Robert Garcet dresser sur les horizons hesbignon et mosan son étrange silhouette couronnée n'a pas vraiment approché l'âme mystérieuse de ce pays.  
L'homme était philosophe, autodidacte mais lettré, sachant tracer le latin lapidaire et le grec de Socrate, qui fut bien avant lui et tout comme lui tailleur de pierre. Pour l'avoir croisé ici même il me semble, sur son chantier, dans ma jeunesse avide d'étrangetés, j'avais gardé le souvenir d'un visage taillé au burin, d'un béret d'ouvrier coiffant ces traits marqués par le travail, de mains calleuses et puissantes. Cette image gravée dans ma mémoire, j'avais voulu l'an dernier la graver sur papier. Là voilà désormais gravée sur le disque dur de la Fondation Garcet, modeste hommage d'un utopiste à celui qui croyait à son rêve jusqu'à le bâtir de ses mains...

Libéré de cet engagement avec moi-même, il me restait à présent à terminer en beauté mon parcours, non sans l'infléchir d'abord vers l'ouest, par les doux et verdoyants coteaux du Geer. Avec une très belle découverte au passage: quel enchantement de découvrir, au bas d'une route agricole me détournant du plateau hesbignon aux confins de la Flandre toute proche, que nous avons par là, dans les hauteurs crayeuses de Wonck, une sorte d'habitat troglodytique! Et même, à scruter de plus près la pierre, une fantasmagorie...
Mais je n'en avais pas vraiment fini avec les carrières. Après une brève incursion en terre flamande via Tongres (un petit bonjour à Ambiorix sur son dolmen anachronique), pour y loger chez des amis du côté de Saint-Trond, il me restait à retourner vers la Meuse le mardi 31. A Amay d'abord, moins pour aller (re)voir le beau sarcophage de blanche pierre sculptée de Sancta Chrodoara, princesse mérovingienne, que pour y faire escale à La Paix-Dieu, ancien couvent de moniales devenu le siège du Patrimoine wallon.
  Vers Huy et Andenne ensuite, le mercredi 1er août, via Bas-Oha, Seilles, Sclayn, pour y observer de plus près quelques-unes des carrières de la vallée de la Meuse moyenne. Sans manquer d'en sortir à la gare de Sclaigneau, avec  sa terrible côte en lacets, seul moyen rapide d'aborder au plus droit, après le Namurois, le plateau brabançon. 
C'est qu'il me fallait encore, pour être complet, filer plus au nord sur le centre du pays. Observer le passage de la pierre bleue et du style mosan aux grosses fermes brabançonnes de pierre brune, puis à nouveau le gris-bleu virant au tuffeau blanc des belles bâtisses de la Vicomté de Jodoigne. Jolie petite ville empierrée où je comptais bien passer la nuit. Histoire d'être à pied d'oeuvre pour, le jeudi 2 août, aller voir de plus près, bouquet final, Gobertange et sa pierre beige.  

Gobertange: cette pierre claire à la patine grise dont est fait, véritable référence universelle, le magnifique hôtel de ville de Bruxelles, est quasiment épuisée aujourd'hui, hormis une petite exploitation qu'il ne m'a pas été donné de voir. Pour cause de vacances annuelles...
Par contre cette contrée ravissante recèle encore, avec des villages comme Saint-Rémy-Geest et des carrières autrefois prospères comme Dongelberg ou Opprebais, de véritables trésors minéraux. Dans tous les sens du terme, puisque plusieurs servent aujourd'hui, quand on n'y plonge pas, de véritables réservoirs de captage pour la société des eaux. L'image du bassin carrier reprend ici toute sa valeur : la pierre contient l'eau, l'eau qui contient la vie...
Cela aurait pu être le mot de la fin mais, depuis le vallon du Gobertange, j'avais encore prévu de rejoindre Bruxelles en passant par Genval, le vendredi 3 août. Sans le moins du monde préméditer que ma route de pierre passerait, au retour, devant l'usine d'embouteillage d'une célèbre boisson rafraîchissante. Un sponsoring de circonstance? En tout cas c'est un choix délibéré qui a produit la dernière image de ce carnet de route, prise sur la devanture d'un réputé glacier ucclois. Après pareil périple et plus de 59.000 kilocalories dépensées, j'avais bien mérité un petit café glacé, non? Et puis, c'est qu'il s'agissait de garder l'esprit frais pour mettre le point final à trente et un jours de notes...
 
Achevé provisoirement le 7 août 2012 à Forest.
Jacky Degueldre