"Just Scout It !"

(Billet d'humeur, dans l'humeur du temps)

 >  Cet article a été sélectionné et publié simultanément par Le Plus du Nouvel Obs.
Il y est accessible via ma page en ligne http://leplus.nouvelobs.com/jackydegueldre

JUST SCOUT IT ! C'est une petite phrase en lettres capitales blanches sur le simple bracelet de caoutchouc vert pomme que vient de me donner ma fille de 20 ans. Pétulante chef scout, c'est elle, dûment totemisée « Pajero Tequila Sunrise » (sic), qui a formulé, je crois, ces quelques mots riches de sens.
Formule magique en effet, qui va leur servir, durant cet été, à recueillir quelques fonds pour financer le camp de leur unité (au vrai, elle m'a d'abord demandé si je voulais le lui acheter pour cinq euros, avant de se raviser et de me l'offrir, avec un petit sourire en prime).
Mais surtout une formule qui, lorsque nous en avions parlé à sa genèse, paraissait pleine de potentiel...

Just do it! Just scout it ! Fais-le en scout? Contente-toi d'agir en scout? Vérification faite dans mon excellent dictionnaire Cassell's, le verbe to scout c'est, de manière intransitive d'abord, aller en éclaireur. Repérer et ouvrir le chemin pour d'autres. Avancer éveillé(e) dans la vie, pleinement conscient(e) des réalités, observer et exercer constamment un regard critique, pourrait-on dire par extension. Changer de regard aussi...
Mais to scout (it) c'est également, de façon transitive cette fois, repousser avec indignation ou mépris. Repousser quoi? Eh bien, toute chose, tout comportement, tout acte qui, sans égards pour les valeurs morales élémentaires – tolérance, solidarité, générosité...-, vous paraîtrait indigne de votre avancée sur le chemin de l'existence, non?
Ainsi donc, voilà astucieusement réinventés par des jeunes, non seulement l'esprit du mouvement scout né il y a un peu plus d'un siècle, mais aussi l'éthique activiste d'une génération et d'une époque nouvelles.
Et cela dans un sens qui ne déplairait pas aux rassemblements des turbulents « Indignés », plus ou moins nombreux ces derniers temps sur les places d'Europe.

Principe légitime certes quand il est prôné par un grand témoin de l'histoire contemporaine comme Stéphane Hessel, l'indignation, cependant, appelle la nuance. C'est précisément ce qu'objectait récemment un jeune philosophe de chez nous, François De Smet, à certains de ces jeunes Indignés-là qui, n'ayant pas « une dictature à renverser comme les révolutionnaires arabes, ou de l'austérité à combattre comme en Espagne », lui semblaient donc « symptomatiques de cette frustration sans étendard ».
« S'indigner ce n'est pas se faire plaisir en montrant qu'on n'aime pas le monde,(...) ce n'est pas donner de la visibilité à sa frustation », écrivait-il dans les pages Débats du quotidien La Libre Belgique, « mais c'est au contraire prendre les outils que nous offre ce monde imparfait pour le changer ».
Comment? Par exemple en développant concrètement un nouveau modèle à opposer démocratiquement au libéralisme économique. En échangeant les manifs contre un projet d'action tiers-mondiste basé sur la rencontre de l'autre et le micro-crédit. Ou encore en s'engageant dans l'associatif ou le culturel, suggestion bien dans l'air du temps « pour donner aux plus précarisés les outils pour se réinsérer ». « Arrêtez de chercher vos ennemis pour exister, cherchez ce que vous pouvez changer », concluait notre jeune philosophe, faisant écho à Gandhi lui-même et à son fameux précepte, « soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ».
Tandis que, sur la page d'en face, un vieux sage, docteur en psychologie et professeur émérite de l'Université de Louvain, tonnait contre les « nantis au pouvoir », fauteurs d'inégalités croissantes dans une civilisation européenne « décadente si pas finissante ». Egoïstement assise sur son repli identitaire généralisé, ainsi résumé par le psychiatre: « Que tous les autres payent, et que les pauvres et les immigrés sans papier crèvent, ici ou renvoyés par charters chez eux !». Et le même de prophétiser dès lors que, « dans moins de trente ans, les indignés de tous les pays se seront organisés et auront fait leur révolution ». Sans même parler des inimaginables changements à venir dans les systèmes sociaux...

Le changement? JUST SCOUT IT ! Projetons-le! Avançons-nous en éclaireurs aussi loin et créativement que possible. Eclairons-nous les uns les autres de nos réflexions, critiques du présent mais constructives d'un futur meilleur. Soyons tous le changement. Ouvrons les yeux lucidement sur le monde qui nous entoure, sur toutes celles et tous ceux qui y vivent, sans exception ni exclusive. Ecoutons nos émotions comme notre raison, notre coeur comme notre tête. Avançons, non pas dans la croissance à tout-va mais dans la connaissance! Et surtout, repoussons avec indignation tout ce qui fait que ce monde est moche et cette route ardue. « Tout est un chemin, même l'obstacle », disait le prince des nomades. Balayons avec mépris tous les cailloux qui font obstacle sur le chemin de l'Humanité. 

(JD300611, initialement publié sur le site d'Echos Communication ONG www.echoscommunication.org )

NB Si vous voulez soutenir Alix et ses girl-scouts (les Guides de Basse-Wavre en Brabant Wallon), procurez-vous le bracelet Just Scout It ! auprès d'elle <alixdegueldre@gmail.com>