Il se tenait debout, immobile, prostré.
- Tu as les gousses d'ail?
- Comment?
- As-tu six à dix gousses d'ail, oui ou non?
- Oui...
- Parfait. Ecrase-les.
- Mais...
- Ecrase-les!, intima la brute.
Comme dans un sursaut d'orgueil, il s'exécuta avec empressement. Ce mec est toqué, pensait-il.
- Bien. Maintenant, petit, prends tes deux anchois à l'huile et mixe-les avec le vinaigre de cidre. Une cuillerée à soupe, pas plus, ou je t'en fais avaler dix!
La tension était palpable, le petit n'en menait pas large, il sentait arriver le moment de vérité...
- Bon, fit l'autre, tu sais monter une mayonnaise, au moins?
Blême il était le petit. Le coup de la mayo maintenant. Vite, il se remémora: un jaune d'oeuf, la cuillerée de moutarde – Oh! Je sens qu'elle va lui monter au nez, celle-là ! -, un verre, non, un demi-verre d'huile d'olive et un plein verre d'huile d'arachide, ne pas faiblir, tourner, tourner.
- Alors, ça monte, cette mayonnaise?
- Voilà, chef!
- Quand même! Alors, vas-y, t'attends quoi? Incorpore l'ail et ta mixture d'anchois... Tu vois, c'est ça, faire l'aïoli. Un doigt de talent et beaucoup d'amour...
(JD, 2007)