Scénario pour une partition bien « régie » du Royaume...
Cinq mois et toujours rien ! |
Allons-y pour un scénario point par point, audacieux mais constitutionnellement plausible, et qui ne soit pas un plan-catastrophe. Eu égard à ceux de nos concitoyens qui, avec les pieds dans l'eau et des soucis bien plus vitaux en tête, comprennent mieux que quiconque ce que ce mot veut dire...
- Constatant la prédominance persistante de forces politiques centrifuges au Nord du pays et l'impossibilité absolue pour les partis démocratiques consultés d'imaginer une solution institutionnelle négociée à la crise politique née des élections législatives de juin 2010, le Roi, prudemment conseillé par de fins constitutionnalistes, renonce exceptionnellement à confier la formation d'un nouveau gouvernement à quelque représentant élu que ce soit, d'un parti vainqueur ou non. Cela étant une simple tradition historique et ne lui étant nullement fait obligation par la Constitution – qui, en substance, ne connaît pas les partis ni même la notion de parti comme entité juridique -, le souverain choisit cette fois, avec l'assentiment des Présidents des chambres haute et basse, de confier la formation d'un gouvernement de salut public à un éminent représentant de la société civile, avec mission implicite d'y puiser l'essentiel des composantes gouvernementales. Et mandat limité au terme de la législature.
- C'est un tel gouvernement qui se chargera de régler et régir les étapes suivantes du processus de démantèlement de l'Etat fédéral actuel, en négociation avec les pouvoirs exécutifs bien en place dans les diverses entités fédérées. Celles-ci doivent, notamment et principalement, s'entendre sur une répartition équitable et proportionnée de la dette publique entre elles, dans le cadre d'une partition paisible, d'une sécession concertée de la Belgique. A l'instar de ce qui fut fait à la naissance du pays, qui reprit officiellement sa part de la dette des Pays-Bas.
- Les négociations fixent également, selon un principe d'homogénéité, les limites territoriales des entités en sécession, ainsi que le cadre normatif des traités futurs garantissant à jamais les droits des minorités linguistiques présentes et inexorablement imbriquées dans ces diverses entités.
- Sur ces bases démocratiques dûment validées de part et d'autre, la Flandre, région-communauté unilingue au pouvoir unitaire déjà constitué, fait officiellement acte de sécession concertée d'avec l'Etat belge, dont elle se déclare dès lors indépendante avec l'approbation explicite des autres entités jusqu'alors confédérées. La constitution belge cesse de s'appliquer à ce nouvel Etat, cependant que son appartenance à l'Union européenne est confirmée par celle-ci et validée par la reconnaissance de la communauté internationale.
- Une hypothèse pragmatique est que les autorités publiques du nouvel Etat flamand décident symboliquement de conserver la capitale européenne comme capitale de la Flandre et d'y maintenir de facto le siège de leurs principales institutions et grands ministères, concédant en contrepartie de cette facilité fonctionnelle permanente et d'une indispensable garantie de bilinguisme administratif, la propriété du sol et la souveraineté territoriale, de manière pérenne, aux pouvoirs publics bruxellois actuels et futurs, quelle qu'en soit l'évolution.
- L'Union Belgique, au sens adjectival ancien du terme, assume l'héritage de l'Etat belge fédéral réformé par le départ de la Flandre. Cet héritage incluant sa nationalité, ses codes de loi, sa monarchie parlementaire bicamérale, son système actuel de séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, ainsi que ses structures fédérales, simplifiées et réorganisées.
- Trois entités fédérées continuent en effet à composer la fédération de l'Union Belgique.
Elles forment désormais trois Communautés Régionales, territorialement et linguistiquement homogènes, autonomes quoique liées par les traités et accords en cours.
- La Wallonie, région essentiellement unilingue francophone, communes à facilités incluses, qui garde les compétences régionales ou communautaires acquises et déjà fondues sous une même présidence wallonne, avec son administration wallonne.
- Les Cantons germanophones de l'Est, de même, conservent les compétences communautaires acquises, tout en acquérant un statut d'ensemble régional comme Bruxelles.
- Bruxelles Capitale et son bassin régional extensivement compris (les actuelles communes à facilités et à majorités francophones en tout cas, voire certaines extensions à population mixte dans son hinterland flamand) forment une communauté régionale bilingue autonome, avec ses propres institutions bilingues. Communauté multilingue aussi, qui inclut en son sein la ville-capitale de la nouvelle fédération belge (Bruxelles-Ville) mais également la capitale administrative de l'Union Européenne (le Grand Bruxelles, agglomération des 19 communes dont Bruxelles-Ville). Ce qui suppose pour ce dernier sous-ensemble un statut spécial, qui ne peut toutefois être celui d'un district fédéral européen, puisque l'Europe elle-même n'est pas un Etat-nation souverain. - Les instances dirigeantes de l'Union Européenne, à travers la Commission européenne mandatée en ce sens (en codécision, par le Conseil de l'Union européenne et par son Parlement), confirment l'agglomération bruxelloise dans son rôle de capitale de l'Europe.
- En fonction des obligations, charges et privilèges attachés à sa position particulière, la capitale commune de l'Union Belgique et de l'Union Européenne, - qui restera peut-être celle de la Flandre si celle-ci entend y maintenir ses institutions et ne fait pas élection d'une autre grande ville comme capitale -, reçoit le statut non pas de district fédéral européen mais plutôt de Région-capitale européenne et est mise en zone franche extensive. L'Europe participe directement à son financement au prorata de la présence européenne, la citoyenneté européenne y a valeur de citoyenneté belge et confère aux résidents permanents européens à Bruxelles le droit de vote aux élections législatives, régionales et locales.
- La capitale du nouvel Etat belge reste placée sous la souveraineté de celui-ci, mais l'indispensable coopération des autorités européennes et régionales bruxelloises dans l'administration de la Région-capitale de droit européen est concrétisée, en contrepartie des facilités accordées par l'Europe à Bruxelles, par la création d'une structure de cogestion belgo-européenne. On pourrait la voir comme un Collège exécutif Bruxelles-Europe, relevant de l'Exécutif régional bruxellois d'une part, de la Commission européenne d'autre part, et compétent pour toutes les matières impliquant un regard européen sur la vie à Bruxelles: politique de la ville, urbanisme et logement, sécurité publique, voies et moyens de transport, grandes manifestations, interculturalité, etc.
Ainsi la Belgique devient-elle, en puissance, un laboratoire institutionnel d'importance stratégique pour, non seulement la crédibilité politique d'une Europe démocratique confrontée pour l'heure aux vieux démons du nationalisme, mais aussi, à terme, la genèse de véritables Etats-Unis d'Europe fédérant une multitude de régions à travers chacun des Etats de l'Union.
(JD, novembre 2010)