Métarsioleschie(f): ne cherchez pas ce mot dans nos dictionnaires français modernes.
Et pourtant, il mériterait bien d'y être, particulièrement en ces temps confus de discussions byzantines, de négociations inabouties, de débats politiques stériles et de polémiques sans fin.
Pour ne pas dire de « disputatio », autre terme savant, au sens dialectique de joute verbale et magistrale où l'entendaient les clercs médiévaux. Terme qui, s'en étonnera-t-on ?, a fini par être la source même du turbulent quolibet, quand les maîtres se risquaient à répondre oralement à toute question qu'il plaisait (quod libet) au public de poser...
La metarsioleschia, pour les philosophes grecs et les contemporains de la démocratie naissante, c'était littéralement « le bavardage dans les nues, c.à d. sur des questions ardues ou inabordables »1, la discussion dans les nuages – donc dans des sphères élevées -, celle qui se permettait d'aborder les sujets les plus difficiles, en sachant très bien qu'ils passeraient au-dessus de la tête du commun des mortels.
Tête d' Archytas, par Gaston Degueldre |
Bref, quand Platon et Aristote se faisaient un petit café philo improvisé et plutôt tendu à l'Académie d'Athènes, quand ils disputaient, quand ils brainstormaient devant leurs disciples médusés quant à l'incidence éventuelle de la mathématique d'Archytas dans le comportement erratique des tyrans de Syracuse, ce devait être un grand moment de metarsioleschia!
Aujourd'hui, sans doute dirait-on plus prosaïquement « prise de têtes », « pinaillage » ou « pinaillerie », voire, soyons classe, « branlette d'intellectuels ». Et Platon l'aristo enverrait bien vite cet emmerdeur d'Aristote se faire voir chez les Grecs d'un « casse-toi pauv'con » bien senti...
Mais alors, pourquoi aller rechercher un vocable aussi poussiéreux, si compliqué à énoncer et à retenir? D'abord, parce que cela nous ferait un joli mot de plus, aussi finement ciselé et précis que la métempsychose, dans un vocabulaire actuel qui aurait plutôt tendance à s'appauvrir et donc à perdre le sens de la nuance exacte.
Ne trouvez-vous pas que tous, nos politiques, nos médiatiques, nos académiques, gagneraient désormais à prendre de la hauteur et à élever le débat bien au-dessus des discussions de Cafés du commerce, des panels télé et des refinancements de l'Etat et de la Sécu, pour mettre en question les grands principes éthiques qui doivent fonder notre existence en ce monde et l'avenir bien compromis de nos sociétés?
Et ce serait quand même mieux, n'est-ce pas, si par exemple un Président de la République, du haut de sa stature morale, pouvait lancer avec élégance aux journalistes, plutôt que des les assimiler vulgairement à des pédophiles, un solennel « Messieurs, vous me faites métarsioleschier! »... (JD)