Ta langue le poisson rouge dans le bocal de ta voix. Paul Eluard©jackydegueldre2005
Sale eau.
C'est un canal. Non, un chenal. Le Channel? Non, un loch. Il pleut. Elle pleure. Elle a peur. Une loque. Lui est cool. Salaud. Le bateau roule. Les vagues mouillent. Elle aussi. Le bateau rouille? Tant pis. La vache. Il rit. Même, il divague. L'eau qui coule. Comme vache qui pisse. Son rimmel sale. Comment, qui coule? Ton rafiot, dit-elle. Il râle. Pas de radar. Et la radio? Toujours rien. Reviens! Elle l'appelle! Sauvons-nous! Bon dieu de femelle. Se sauver, elle dit. Vite, un vaisseau? Le radeau. Vas-y! Il plonge. Elle aussi. Un rat ronge. Ils nagent. Scène de ménage. Il est rond. Elle enrage. Lâche! ...Toi-même. Je t'aime. Lâche-moi. Au secours! ...Mon amour! Il dessoûle. Un dessalage. En pleine mer. Ils sont seuls. En pleine merde. Enfin il réalise. La belle-Elise. Son sloop au fond de l'eau. Quelle hantise. Les Antilles et Belize. Antigua et puis quoi. C'était si bien, là-bas. Pourquoi il est parti? Salope. Rien que pour elle. Pour une fille. Saloperie exquise. Il a couru les îles. Caressé les Marquises. Frôlé la mort. Et la banquise. Remonté tous les vents. Affronté tous les temps. Et les mers démontées. Cap au nord. Mors aux dents. Vent debout. Rentre dedans. Pour une fille soumise. Jusqu'ici. Grosse bêtise. Jusqu'à cet ouragan. Qui n'était qu'une bise. Au large de Lewis. Drosse sur l'Ecosse. La rosse. Tu as sombré, bon sang. Pourquoi? Pour les beaux yeux d'Isa. La belle rousse. J'ai tout perdu. Pour toi. Il la regarde. Une dernière fois. Elle se meurt. Perdue aussi. La peur, le froid. Douleur mortelle. Alors il pleure. Douceur cruelle. Et ils se noient. Rideau sur le radeau. La lumière se rallume. Quel cinéma. Exit mademoiselle. La souris trotte. Les larmes aux yeux. Elle est si belle. C'était si beau. Elle est si seule. Il pleut à seaux. Soir noir. Lieux alarmants. Pas de chalands sur le canal. Sur les trottoirs, pas un passant. Tous des salauds. En conclut-elle. S'éloignant. Son rimmel coule. Sale eau sur elle. Sale temps. Décidément.
J.D., avril 1998.
Nouvelle, très brève, écrite voilà douze ans pour un des premiers concours de nouvelles de La fureur de lire. Concours où il s'agissait, avais-je cru erronément, de ne pas dépasser les 3.000 signes...Un vrai défi. Le résultat inattendu tient plus du storyboard que du roman (à l'eau de rosse plutôt que de rose), mais je ne renie rien. J'avoue, j'aime bien.