En mode CONNARD...

« Et alors, le gars s’est mis en mode connard… » Fabuleuse image, captée naguère au hasard d’un dialogue entre deux jeunes gaillards croisés dans une galerie bruxelloise. On voit d’ici la tête d’encéphalogramme plat de celui dont il était ainsi question. J’adore l’expression et le profil rentrant qu’elle suggère.
Se mettre en mode connard, jouer au con, risquer ou accepter de passer pour un con: rien de tel pour relativiser l’importance de la bêtise en général, et de la sienne éventuelle en particulier, quand on prétend avoir à ce sujet une espèce d’aversion absolue, de rejet profond.

C’est ce que le jargon de l’approche thérapeutique neuro-cognitive et comportementale appellerait « affronter un hypo » : soigner un comportement hypo-fonctionnel d’évitement d’un tabou, profondément inscrit dans notre cerveau limbique, en bravant crânement l’interdit, en assumant la chose honnie.
C’est Einstein lui-même passant malicieusement la langue au photographe, comme pour conjurer la bêtise humaine qu’il disait aussi infinie que l’univers (avec un léger doute cependant, ajoutait-il non sans humour, quant à l’infinitude de l’univers).

Me mettre en mode connard, quelle meilleure attitude adopter, dès lors, face aux commentaires fleuris provoqués par la publication, à la page Débats de La Libre Belgique du 5 mars, de ma réflexion sur les disjonctions systémiques et les ruptures des flux décisionnels, déjà postée sur ce blog ?
Sa parution dans La Libre, sous le titre (écourté) « Catastrophique Belgique », m’avait d’abord été signalée, le jour même, par le mail d’un spécialiste des questions environnementales de l’Université de Liège. Celui-ci disait avoir trouvé cet article « Super !» (sic). Ce qui tombait bien puisque le propos était, effectivement, d’élever un peu le débat après les lamentables défausses de quelques responsables publics concernés par les événements catastrophiques récents. Et donc, de proposer à des lecteurs à l’esprit ouvert comme lui une analyse systémique (les ruptures de flux) autre que l’inévitable « loi des séries » suggérée par un gazier liégeois fataliste…

Mais il faut dire que la lecture du Forum de La Libre m’a bien autrement réjoui que ce compliment-là.
Petit florilège des appréciations les plus flatteuses:
- « C’est qui ce Degueldre ? C’est JCVD qui se prend pour Levistrauss ? »
- « L’auteur de ce texte rédigé en langue de bois lyrique (…) dit-il autre chose que ce que l’on trouve généralement sur ce forum ? »
- « A lire ceci, on dirait un pamphlet populiste à l’écriture semi-précieuse surfant sur la vague de déceptions catastropho-systémiques. »
- « Occurrence répétitive : occurrence est un anglicisme » (vrai, mais en linguistique seulement, pas dans cette acception-ci, événementiellement correcte). « Non mais vraiment, quel charabia, mais vraiment quel langage faussement savant ! Mal écrit, creux, redondant, c’est la prose d’un individu sans pensée, sans fond. Sans doute la simplicité, cet art difficile de dire les choses complexes sans être compliqué, est-elle hors de portée de ce raseur pontifiant. »

Eh bien je le dirai donc plus simplement cette fois : ah, quel plaisir de prendre une bonne douche ! Me voilà propre, lavé, essoré, étrillé en mode connard. Et rassuré, si je me faisais des idées: j’ai la tête vide, sans pensée, j’ai donc bien fait d’aller me ressourcer ces derniers temps à l’université… (JD090310)