Est-ce du français?


...Non, du vulgaire.


N.B. Ce billet d'humeur, intitulé "Est-ce du français?", est la transcription quasi intégrale de quelques courriels récemment échangés, à partir de cette simple question, avec un ami soucieux comme moi du bon usage en général et de l'estompement de la norme dans le discours politique en particulier. Qui en mésuse allègrement.

- Fillon aurait dit :  "il faut mieux payer les médecins. Il y a un moment où demander à quelqu'un qui a fait dix ans d'études et qui a votre vie entre ses mains d'être moins bien payé que quelqu'un qui vient réparer la plomberie chez vous, c'est juste pas acceptable".
C'est juste ou ce n'est pas acceptable ? Ou alors c'est du mauvais français !
 

C’est du mauvais français, tel qu’il est parlé aujourd’hui par beaucoup, dont un présidentiable, qui adopte ce style oral (juste) parce que cela le rapproche du parler populaire. Ma voisine du dessous, belge mais très branchée sur la culture ”hype” transfrontalière (elle passe le week-end du deuxième tour des primaires à Paris), est du genre à dire: ”c’est juste trop top”. Mon amie N., vraie parisienne, dirait, elle, peut-être, ”c’est juste non négociable”. Ou éventuellement ”ça va pas être possible”, très tendance également chez les branchouilles… 
On imagine bien l'interview au pied levé: "Monsieur Fillon, une fois élu Président, prendrez-vous Alain Juppé comme chef de gouvernement? ” - ”Euh, ça va pas êt’possib’ ”...
Naguère, jadis, hier, nous eussions dit : ”C’est tout simplement inacceptable” et tout le monde aurait trouvé cela parfaitement énoncé, avec classe même. 
O tempora, o mores, o linguae ! 

- Le dilemme du candidat à la plus haute fonction : faut-il, pour fédérer, user du français commun ou tenter d'être hors du commun? 

La plus HAUTE fonction… L’histoire (ancienne) semble indiquer que les Français, ayant généralement une haute opinion d’eux-mêmes, entendent avoir à leur tête un homme d’Etat, un grand homme, à la stature (physiquement symbolique) d’être hors du commun. Ce que n’étaient pas les présidents de la IVe République mais ce que fut assurément de Gaulle, ce que n’était déjà plus le rondouillard Pompidou. Mais ce que fut, à sa manière, le florentin quoique courtaud Mitterrand. Ce qu’étaient, en taille du moins, Giscard et Chirac. Tous parlant et écrivant pointu, sauf Chirac peut-être, au verbe haut et volontiers grossier.

Cependant l’histoire récente, avec Sarko puis Hollande, semble indiquer une tendance contraire, ou plutôt un estompement de la norme. On fait de plus en plus petit à la tête de l’Etat français (certes, il est vrai que Pétain déjà n’était pas très grand). 


Faut-il désormais, pour se mettre au diapason du peuple, adopter le langage commun jusqu’à s’exprimer au niveau du plus grand nombre, soit au ras des pâquerettes?  

Casse-toi, pauv’con!” a eu le mérite de situer la faible hauteur de l’enjeu, désormais vulgaire. Voire la profondeur abyssale de la perdition politique contemporaine…

C’est cela: en France, en Europe, comme aux USA, dans les nouvelles démagogies, foin de fausse démocratie, le pouvoir désormais est littéralement au peuple, à travers les augustes que celui-ci se choisit en donnant grossièrement de la voix, dans la rue comme dans les isoloirs. Le pouvoir redevient ainsi ce qu’il a toujours eu pour vocation d’être, le pouvoir est vulgaire*. 

Du latin *vulgus, comme dans vulgum pecus, le troupeau, le petit peuple, le populo.