Ma route de pierre (2): plein la remorque!


Deuxième semaine, déjà, pour Ma Route de Pierre, qui m'a emmené vers l'ouest et la Picardie wallonne avant de me ramener vers le centre du Hainaut et ses carrières de pierre bleue ou de marbre. A Maffle, ma petite caméra m'a joué des tours et m'a privé d'une belle interview du tailleur de pierre Roger Godfrain, 80 ans et plus qu'alerte: pour me le prouver, il a entamé une gigue endiablée en plein musée. Mais j'étais surtout fasciné par ses mains, sculptées par la vie et le travail de la pierre. "Pour le tailleur de pierre, dit-il, c'est la main gauche qui est la plus importante. C'est la droite qui frappe, mais c'est la gauche qui guide l'outil". Il faudra que j'y retourne, en août peut-être, ainsi qu'à Lessines, pour la Fête des Cayoteus…

Pour descendre dans la Botte du Hainaut, véritablement truffée, autour de Philippeville, Rance et Chimay, d'au moins une centaine de carrières généralement désaffectées aujourd'hui, je passerai par Ghlin (Mons), avec une journée de repos bienvenue chez ma soeur - et un don de sang à la Croix-Rouge montoise au passage, rien de tel pour se refaire quelques globules - puis Waudrez et Binche, l'occasion de passer saluer quelques-uns des miens qui dorment sous le granit.
C'est à Binche, au moment du départ, en plein milieu de la route, et sous les yeux de ma mère en plus, que ma remorque choisit de me lâcher une première fois. Beaucoup de poids, sans doute, sur ce monocycle à l'équilibre instable, mais c'est surtout l'axe de serrage rapide de ma roue arrière qui s'avère beaucoup trop fragile pour les torsions imprimées à l'attelage.
Résultat: les attaches de remorquage ne tiennent plus sur l'axe et la remorque peut se détacher à tout moment. L'objectif est désormais d'atteindre ma prochaine étape, Leers-et-Fosteau en Thudinie, où habite Marcel le mécanicien, vieil ami de mon père. Lui devrait pouvoir me dépanner. Mais y arriverai-je? Et le relief qui commence à s'accentuer...
J'y suis arrivé. Marcel a réparé. Mais la réparation, pourtant bien faite, ne résistera pas aux secousses. Le lendemain, sur la piste de l'itinéraire Ravel vers Rance et Chimay, à Solre-Saint-Géry, le ciel me tombe sur la tête en même temps que mon attelage s'écroule sur le béton. Heureusement, tombé du ciel aussi, c'est "Bronson" en personne, personnage fort en gueule mais surtout fort serviable, qui me sauve la mise.
Me voilà embarqué avec vélo et bagages dans son break, qui m'amène 15 km plus loin, à Rance où j'ai rendez-vous avec Philippe Albessart, du Musée du Marbre. Les événements s'enchaînent: passage au garage pour la remorque, visite à l'Office du tourisme pour un hébergement (ils n'en ont pas), visite guidée du village marbrier et de l'ancienne carrière Fosset, nouvel orage qui s'abat à ce moment-là. Quant à l'hébergement, ce sera… dans une grange en pierre! 
Le lendemain matin, je profite du petit séjour de mon attelage dans un garage local - une réparation qui grèvera mon maigre budget de 40 euros, mais c'est le prix de la sérénité - pour faire le plein d'images et de commentaires avec mon cicerone de la veille. 
Ensuite, direction Couvin, plus précisément le hameau des Géronsarts à Boussu-en-Fagne, chez une amie, Véronique, d'où je pourrai rayonner dans cette région truffée de carrières de marbre. Beauchateau est sans aucun doute la plus impressionnante avec ses hautes parois de marbre rouge. Mais c'est certainement la découverte de la vieille carrière de Pesche en compagnie de Christophe Mahy, jeune tailleur de pierre totalement habité par son métier, qui me laissera le meilleur souvenir.

Il me reste à présent  à rejoindre la vallée de la Meuse à partir de Mariembourg. Encore un "Ravel", qui file tout droit sur Heer-Agimont puis Hastière et passe en face des rochers de Freyr où j'ai maintes fois grimpé. C'est qu'à Dinant m'attend, le long d'un quai de pierre, la péniche Ange-Gabriel où une cabine m'est promise. Mais ce qui m'attend surtout, en ce second dimanche de mon périple, ce sont les 4,2 km de côte pour s'extraire de la vallée de la Meuse depuis le Rocher Bayard. Sans oublier les quelques ondées diluviennes sans lesquelles juillet ne serait pas juillet… (JD)