Evasion culturelle, c'était le cas de le dire ce vendredi soir, à la bien nommée La Tchatche,1 petite mais très dynamique association de promotion de la création et de la rencontre en milieu rural (Chastre, Brabant Wallon).
Denis SEZNEC, auteur de Nous les Seznec et de Seznec Le Bagne (éd.Robert Laffont), avait pris la clé des champs pour venir une énième fois défendre la cause familiale et la mémoire de son célèbrissime grand-père, Guillaume Seznec, condamné en 19242 par la justice française aux travaux forcés à perpétuité « pour un crime sans cadavre, sans arme, sans aveux »3.
Un crime que, quasiment tout le monde – sinon la Justice elle-même - s'accorde à le penser sinon le dire aujourd'hui, il n'a pas pu commettre. Mais qui lui a malgré tout valu l'ignominie de 20 années horribles au bagne de Cayenne, là même où la France avait naguère déporté Dreyfus (lequel sera, lui, réhabilité).
Un crime que, quasiment tout le monde – sinon la Justice elle-même - s'accorde à le penser sinon le dire aujourd'hui, il n'a pas pu commettre. Mais qui lui a malgré tout valu l'ignominie de 20 années horribles au bagne de Cayenne, là même où la France avait naguère déporté Dreyfus (lequel sera, lui, réhabilité).
L'excellente soirée passée à écouter Denis Seznec m'a rappelé que, ayant un jour dessiné le portrait de son grand-père, aux traits typés et évidemment très marqués par la vie, je m'étais interrogé également sur l'étymologie de son patronyme breton. Celui-ci recelant probablement une signification intéressante comme la plupart, voire une origine historique.
Voilà les traces que j'ai retrouvées de cette recherche, grandement facilitée par l' ouvrage de référence qu'est "Langues sans frontières", du linguiste polyglotte Georges Kersaudy.
Extrait, page 18 (Paris, Ed. Autrement, Le grand livre du mois, 2001):
Le mot England, que nous traduisons par Angleterre, signifie "le pays des Angles", les Angles étant, avec les Saxons, l'une des deux tribus germaniques qui conquirent l'île de Bretagne aux premiers siècles de notre ère. L'ancienne Bretagne a retrouvé son vieux nom celtique en adoptant l'appellation de Grande-Bretagne.
La Bretagne d'aujourd'hui est le pays d'Armorique, où des Gallois de l'île de Bretagne, chassés de leur pays par les Saxons au VIe siècle, ont trouvé un refuge. Ils ont tout naturellement donné à leur nouveau pays le nom de celui qu'ils venaient de quitter: Breizh, c'est-à-dire la Bretagne. En breton, l'Angleterre s'appelle depuis lors "Bro Saoz", c'est-à-dire le pays des Saxons, et non pas le pays des Angles, où l'on parle "l'anglais", c'est-à-dire le saxon: en breton saoznek, en gallois saezneg, en irlandais sassanach.
Indubitablement, Guillaume Seznec avait, non seulement un beau prénom d'origine germanique comme chacun sait, mais du sang saxon dans ses veines de breton.
Autrement dit, un ancêtre particulier, au milieu de tous ces Celtes bretonnants, qui était arrivé avec eux (prisonnier?), ou après eux, en Breizh Izel (Basse Bretagne). Qui ne parlait peut-être pas tout à fait bien le brezhoneg des descendants d'immigrants gallois du VIe s. Et que ceux-ci avaient donc coutume de désigner, familièrement ou péjorativement peut-on supposer, comme l'homme à part, "le Saxon".
De là à y voir comme une malédiction, comme un mauvais présage, déjà, du bannissement, de l'ostracisme dont Guillaume Seznec lui-même sera frappé par ses compatriotes?
Pourquoi pas? Il y a des lignées d'hommes dont on ne sait pas très bien d'où vient le lourd fardeau que, de génération en génération, courageusement, infatigablement, ils portent...
Et Denis Seznec le pourfendeur de l'injustice a de qui tenir... (JD)
P.S. En revanche, de son père François, étrange témoin lui-même dans l'affaire Seznec avant de fréquenter et épouser Jeanne, seconde fille de Guillaume, il nous dira très peu, sinon le nom qu'il porte et tient de lui à l'état civil, Le Her. Un patronyme de toute façon connoté, où l'on pourrait entendre, au choix, le her, maître ou sergent d'origine germanique (XIIIe s.) , l'équivalent en langue gallo de l'ancien français le pauvre hère, l'errant, ou encore et c'est plus lourd à porter, celui du heir britannique, vieux mot venu du latin heres et qui signifie l'héritier. Denis Le Her-Seznec, l'héritier du Saxon? Une bien lourde histoire de famille!
P.S. En revanche, de son père François, étrange témoin lui-même dans l'affaire Seznec avant de fréquenter et épouser Jeanne, seconde fille de Guillaume, il nous dira très peu, sinon le nom qu'il porte et tient de lui à l'état civil, Le Her. Un patronyme de toute façon connoté, où l'on pourrait entendre, au choix, le her, maître ou sergent d'origine germanique (XIIIe s.) , l'équivalent en langue gallo de l'ancien français le pauvre hère, l'errant, ou encore et c'est plus lourd à porter, celui du heir britannique, vieux mot venu du latin heres et qui signifie l'héritier. Denis Le Her-Seznec, l'héritier du Saxon? Une bien lourde histoire de famille!
1TCHATCHE: « art de parler, avec volubilité et facilité à propos de tout... », précise leur petit programme, d'un terme parfaitement approprié au conférencier marathonien qu'est Denis Seznec (plus de 1300 conférences à ce jour).
2Guillaume Seznec clamera son innocence jusqu'à sa mort, en 1954, dans des circonstances accidentelles très suspectes. Son petit-fils n'hésite pas à parler aujourd'hui d'un complot d'Etat.
3Selon la petite présentation, surtitrée Soirée « histoire bouleversante », qu'en donne le livret de la Tchatche.