Le Monde, avec l'AFP: les grands médias prennent l'affaire au sérieux. |
Il fut un temps où les millénaristes – oiseaux de mauvais augure ! - auraient crié au présage de malheurs à venir: le soir de la saint-Sylvestre, plus d'un millier d'oiseaux morts ont commencé à tomber sur la petite ville de Beebe, dans l'Arkansas.
Des centaines de "carouges à épaulettes", selon les services communaux. Le plus remarquable dans le phénomène observé, ce n'est pas à mon sens le phénomène lui-même, déjà connu et souvent décrit à des époques plus ou moins récentes (ou même scientifiquement expliqué, par de supposés accidents météorologiques), comme en témoigne la page Wikipédia consacrée aux "pluies d'animaux".
Des poissons, des grenouilles, des serpents, des souris, il en tombe du ciel, semble-t-il, depuis la nuit des temps. A preuve, il tombait déjà des cailles sur les Hébreux – "pour les sauver de la faim, bénédiction divine", précise doctement ladite page – durant l'Exode biblique (Exode 16:13).
Non, le fait remarquable à mes yeux est aujourd'hui la vitesse à laquelle ce genre d'info à sensation peut se répandre par des tweets – auxquels j'ai d'ailleurs contribué, ci-contre -, qui ne sont en somme que les gazouillis électroniques des drôles d'oiseaux du réseau social Twitter.
Et en corollaire, bien sûr, l'étonnante aura immédiate que cela lui confère. Comme une amplification surréelle, de facto, de l'aspect paradoxal et surnaturel de l'événement ainsi relaté.
A peine venais-je d'écrire, vers 18 heures, que ma timeline (TL), mon fil sur Twitter, commençait à m'emm..., avec toujours les mêmes discussions oiseuses (#NoGov, la crise gouvernementale belge, le conciliateur, etc.), voilà qu'un premier tweet d'alerte arrivait ("#2012 un an à l'avance?- Des milliers d'oiseaux morts tombent sur une ville de l'Arkansas": on notera l'exagération, "des milliers").
Message emphatique suivi à deux minutes d'une vraie confirmation médiatique (à 18h21, par lemondefr, 149.666 "followers" informés), ramenant les choses à leurs justes proportions; puis très vite bien sûr, de différents "retweets", venant d'autres médias ou non. Sans parler des titres sensationnalistes à prévoir dans la presse du lendemain...
Tout cela m'a rappelé qu'au début du siècle dernier, l'écrivain américain Charles Hoy Fort, l'auteur de l'emblématique Livre des Damnés (1919), largement évoqué par Pauwels et Bergier dans leur best-seller (1960) Le Matin des Magiciens, collectionnait déjà tel un entomologiste les données "damnées", exclues par la science, les faits inexplicables de toute nature. Pluies de crapauds sur Birmingham ou de météorites ultra-légères ailleurs, mais aussi, entre autres faits paranormaux ou bizarres, les trouvailles archéologiques hors normes ou les observations d'objets volants non-identifiés. Toutes choses qui firent de ce chercheur méticuleux et préoccupé d'étrange le précurseur du réalisme fantastique anglo-saxon (c'est lui qui, dans son troisième livre, imagine le concept de téléportation, lequel n'est déjà plus tout à fait de la science-fiction désormais).
Il aurait probablement apprécié notre monde de réseaux Twitter et Facebook, d'hyperliens, de mémoires giga et d'encyclopédies en ligne, lui qui perdit dans l'incendie de son appartement new-yorkais les dizaines de milliers de fiches descriptives – cela dit, ici, sans exagération - patiemment rédigées et collectées durant toute sa vie pour son Mundaneum personnel.
L'homme était pourtant un sceptique, pour qui rien ne pouvait être prouvé. Et dont la méthode spéculative s'apparentait dès lors à "la connaissance par l'absurde", selon son traducteur Robert Benayoun (1955).
On peut se demander ce qu'aurait pensé, écrit et produit, à partir d'Internet et armé de nos systèmes acquisitifs de savoirs immédiats, ce collectionneur d'événements anodins ou catastrophiques tels que notre planète en effervescence semble les multiplier frénétiquement aujourd'hui. Nous aurait-il annoncé, lui aussi, après un cortège d'aberrations météorologiques liées au réchauffement climatique, une fin du monde prochaine, voire la chute d'une météorite – géante, celle-là -, d'où un gigantesque cataclysme pour 2012 ?
Ne disait-il pas, de lui-même: "Peut-être suis-je le pionnier d'une littérature à venir dont les traîtres et les héros seront des raz-de-marée et des étoiles, des scarabées et des tremblements de terre." Inquiétant et étrangement prémonitoire, quand même, non?
(JD)
(JD)
Sources en ligne:
http://www.lemonde.fr/planete/article/2011/01/02/pluie-d-oiseaux-morts-inexpliquee-dans-l-arkansas_1460179_3244.html
http://www.wat.tv/video/pluie-oiseaux-morts-inexpliquee-39sf5_2ey61_.html
http://www.rtbf.be/info/articles/usa-des-milliers-doiseaux-morts-tombent-sur-une-ville-de-larkansas
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pluie_d%27animaux
http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Hoy_Fort