« #NoGov* is bad gov »: la fausse impasse et comment en sortir !



* Le mot-clé NoGov précédé d'un dièse (signe #) est un « hashtag », l'un des raccourcis utilisés par les commentateurs belges du réseau social Twitter pour évoquer la problématique non-gouvernance de l'Etat fédéral par des politiques toujours bien en peine d'y trouver une solution négociée après plus de 7 mois d'atermoiements!

« Et maintenant ? », se demandaient à l'unisson La Libre et la DH au lendemain de SHAME, la « manifestation de la honte » du dimanche 23 janvier pour la mise en place urgente d'un gouvernement fédéral belge de plein exercice. « Il faut voir dans quelle mesure l'événement pourrait être un momentum, créer une sorte d'effet dans sa perception», répondit l'inévitable politologue de service, dans un discours codé tout aussi inévitable (l'agaçant « momentum », très tendance dans le vocabulaire pseudo-scientifique affecté par nos Docteurs Folamour pour meubler leur « agenda »).
Et maintenant ?, doit aussi se demander un Palais bien perplexe ?
Et maintenant? Mais bon sang, Sire, c'est maintenant qu'il faut avoir un peu de vrai courage politique et de lucidité. Pour que faire? En premier lieu, réexaminer notre Constitution fédérale afin d'en exploiter, non les lacunes – car il y en a sans doute-, mais surtout les silences éloquents, sciemment et prudemment ménagés naguère dans ce texte liminaire par les pères fondateurs de l'Etat.

Ainsi, par exemple, je mets au défi les meilleurs constitutionnalistes d'y trouver la moindre mention des partis politiques au sein des corps constitués. Et partant, une quelconque obligation d'en passer, dans une situation de relative urgence telle que nous la vivons, par le système particratique pour constituer un gouvernement de plein droit. Autrement dit le Roi, qui nomme et révoque ses ministres, est parfaitement en droit de désigner comme formateur d'un futur gouvernement de transition quelqu'un qui ne serait pas nécessairement issu des partis, temporairement dans l'incapacité de s'entendre, mais plutôt de la société civile, par exemple des corps académiques ou des institutions économiques. Ce qui, évidemment, ouvre bien des perspectives. Notamment celle de permettre la poursuite des négociations de refonte de l'Etat entre tous les partis, le temps nécessaire pour en sortir, tandis qu'un vrai gouvernement (de techniciens plus que de politiciens) gouverne, décide, agit, stabilise et rassure...

Quitte à se répéter (voir la chronique #NoGov ou le degré zéro de la mauvaise gouvernance du dimanche 12 décembre 2010, ou même le scénario développé en dix points dans Petit pays... petite idée? L'UNION BELGIQUE, également publié sur ce blog dès le mardi 16 novembre) : bien sûr que nous pouvons en sortir ! Dire que le pays est dans l'impasse et que la crise politique belge est définitivement insoluble relève de l'intox médiatique autant que d'un manque flagrant d'imagination.
Mais pour se convaincre de penser autrement, il faut d'abord... penser autrement. Créativement. Retourner la chaussette. Voir au-delà des évidences. Comme, par exemple, le fait que, si des négociations politiques sont évidemment indispensables, elles demandent à l'évidence énormément de temps, peut-être même soixante ou cent jours de plus, au bas mot, que tous ceux qui se sont déjà écoulés.

Que faire dès lors? Retourner aux élections? Certainement pas: cela ne ferait que reporter et complexifier davantage la solution politique tout en aggravant le problème socio-économique. Alors quoi, donner du temps au temps? Oui mais comment? Tout simplement en laissant l'ensemble des partis démocratiques négocier comme bon leur semble, à deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit ou neuf, à têtes reposées en tout cas et dans un délai raisonnable de quelques mois, ou même d'un an, avec obligation de résultat. Tandis qu'un gouvernement de salut public formé de techniciens issus de la société civile ou du corps des grands commis de l'Etat, plutôt que de politiciens partisans et contraints à des postures stratégiques, prendrait les commandes de plein droit, sous l'égide du Roi. Lequel serait rétabli de facto et de iure (en fait et en droit) dans son rôle – transitoire ici, mais néanmoins historique et avéré par l'usage, puisque même feu le Roi Baudouin l'a exercé par deux fois - de Président du conseil des ministres1, jusqu'à l'aboutissement heureux des négociations et la mise en place d'une nouvelle et vraie majorité gouvernementale.
Comme ses prédécesseurs, l'actuel Roi des Belges conserve en effet « formellement le droit de présider le Conseil des ministres. C'est la raison pour laquelle en Belgique le Premier ministre n'est pas "Ministre-Président" »2 .

Ainsi donc, quand bien même nos représentants parlementaires, élus directs de la Nation, engagés à titre personnel devant le Peuple belge et son Roi (et non pas devant leurs partis respectifs, qui n'ont pas d'existence constitutionnelle), ne pourraient s'entendre a minima, toutes tendances confondues, sur une motion extraordinaire confiant au chef de la Nation une telle mission de salut public, du moins celui-ci pourrait-il en prendre lui-même la responsabilité devant l'Histoire.
Pour l'honneur de la couronne et le plus grand bien du pays. Mais est-ce trop demander? (JD)


1 De source officielle, à savoir le site du Premier ministre lui-même: http://premier.fgov.be/fr/conseil-des-ministres
2 Même source (le site gouvernemental Premier.gov), laquelle précise d'ailleurs que « Le Conseil des ministres trouve son origine dans les usages et les traditions et ne figure pas dans la Constitution ». Quoique l'Art. 99 de la Constitution devenue fédérale l'évoque bel et bien, disposant notamment que « Le Conseil des ministres compte quinze membres au plus ». Originellement, ce Conseil n'était rien d'autre que le conseil de Cabinet du Roi, dont le chef de cabinet devint ainsi, de facto, chef du gouvernement, sans toutefois en être le président en titre.